Cela aussi passera
Hypothèses esthétiques sur la mémoire d'un atelier nomade
[En cours]
On ne rapporte du voyage qu'une collection de souvenirs, tout le reste a déjà disparu.
Ceci n'est pas le monde…
Nos souvenirs sont soumis à l'action inéluctable du temps qui métamorphose la réalité physique et son implacable chronologie en fragments friables, instables, insaisissables. La production de traces, intrinsèquement liée au présent, prend ainsi tout son sens, les captations réalisées lors de cette expérience nomade apparaissant comme autant de tentatives d'anticiper l'oubli.
La mémoire tangible de l'atelier elle, peut se résumer à une collection d'objets et au contenu d'un disque dur, reliques d'une aventure révolue. Lignes de codes, colonnes de chiffres, objets, photos, fragments sonores et vidéos, synthétisent et symbolisent ces trois années d'exploration, et trahissent un désir d'exhaustivité révélateur de la fragilité des relations que nous entretenons avec nos souvenirs.
À la rémanence de cette mémoire matérielle se confrontent donc nos souvenirs personnels, altérables et sensibles, mettant en tension nos subjectivités d'auteurs avec l'empreinte des aléas du voyage. Les hypothèses esthétiques de ce “méta-projet” naissent et se nourrissent de cette antinomie, dévoilant le portrait en creux d'un atelier polymorphe, expérimental, en permanente mutation.
Le titre évoque la nature éphémère de la condition humaine, du monde tel qu'il s'est révélé lors de ce voyage et tel que nous cherchons à l'exposer : un monde qui ne peut être décrit, insaisissable et en constante évolution, indépendamment de nos désirs, espoirs, valeurs et certitudes.
Cela aussi passera…
Œuvres existantes
1000
Installation numérique
[En cours de développement]
Un autre rituel est venu rythmer l’activité de l'atelier nomade : la collecte d'objets, le plus souvent trouvés sur le bord de la route, ainsi que le relevé systématique des données qui leur sont associés (date, coordonnées GPS, altitude, kilométrage, poids, taille, couleur, etc…), à raison d'un item par jour sur une période de 1000 jours.
Cette collection, où chaque objet symbolise une étape précise du voyage, résulte d'un travail systématique et rigoureux de longue haleine. Boîte noire du projet, journal de bord d'un Homo Numéricus ou cabinet de curiosité d'un archéologue du capitalocène, “1000” est une installation multimédia dont l'architecture rappelle volontairement celle des data centers.
Animée par une sorte d'I.A. (intelligence approximative) issue du rêve de ses créateurs, elle explore et ré-agence une base de données composite, et tente inlassablement et en vain, de défragmenter la mémoire de Geocyclab. Son langage, fait d'événements lumineux, sonores, et visuels, raconte et contextualise les traces de la relation que l'humain d'aujourd'hui entretient avec le monde.
Dimensions : L. 50cm, l. 50cm, h. 120cm
Techniques diverses
Matériaux : bois, verre, plexiglas, acier…
Cette œuvre à forme évolutive n'est rendue possible qu'avec la participation d'une petite équipe d'ingénieux développeurs et d'agiles et patientes petites mains que nous ne remercierons jamais assez.
Haïkus
Micro-métrages
83 x 1min | 16/9 Couleurs
2012 à 2015
Résidence “Geocyclab”
La tradition littéraire du haïku japonais se traduit ici en un rituel audiovisuel qui tente de saisir, plus qu'il ne décrit, l'évanescence d'un instant vécu.
Respectant une certaine forme de spontanéité, ces “haïkus” résultent de la juxtaposition de nos deux regards (sonore et visuel) focalisés durant une minute sur un même espace-temps. Ces contraintes de captation offrent à “l'instant présent” un espace libre où il s'exprime de lui-même, et où la coïncidence de nos perceptions génère une troisième couche de réalité, telle l'élaboration d'un souvenir commun.
Tournée, montée et diffusée “sur la route”, cette série de 83 micro-métrages propose un éventail de paysages fragiles, et revisite de manière sensible le concept du carnet de bord en invitant à contempler le monde dans ce qu’il a de plus sincère ; sa lenteur, sa douceur, sa brutalité parfois.
km18905
Film-essai, documentaire de création
59 minutes | 16/9 Couleurs | Sans parole | 337 plans
Année de production : 2022
km18905 est un point de vue sur le monde, aperçu dans un rétroviseur ayant fait le tour de la planète, tel qu'il a été perçu le long d'un itinéraire bitumé. Un portrait nécessairement subjectif, marqué par les contrastes, disparate, bigarré et polyphonique. Portrait d'un temps, d'une époque, d'une ère peut-être, l'anthropocène.
Après avoir pédalé 18905 kilomètres à travers 22 pays, Fanch Dodeur et Barthélemy Péron sont revenus à leur point de départ avec 35 heures de rushs image et 50 heures d’enregistrements sonores, comme autant de matière exploitable au montage. Plusieurs années après, ces archives audiovisuelles glanées autour du monde entre 2012 et 2015 se transforment en un objet filmique singulier, résultat d’une expérience de montage-écriture à huit mains.
Moins que de tenter de faire vivre un voyage, il s’agit surtout de raconter une expérience passée et révolue, de mettre en scène l’exploration de sa mémoire, d’analyser ses traces, de réinterpréter le « carnet de bord » d’un atelier mobile et de tisser le portrait subjectif d’un monde traversé par la route. Portrait d’un monde arpenté dans la fatigue ou l’exaltation, entre paysages naturels grandioses et urbanisation mégalopolitaine où l’énergie humaine est partout présente, comme une croissance incoercible aux reflets horrifiants, absurdes et poétiques.
Production :
Laurence Ansquer / TITA Productions
Réalisation :
Fanch Dodeur, Barthélemy Péron, Erwann Babin, Éric Thomas
Images : Barthélemy Péron
Sons : Fanch Dodeur
Montage / Mixage / Étalonnage :
Fanch Dodeur, Barthélemy Péron, Erwann Babin, Éric Thomas
Partenaires :
La Région Bretagne en partenariat avec le CNC (FACCA)
Principalement réalisé avec des outils et logiciels libres :
Kdenlive - Ardour - Pure Data - Cecilia - DCP-o-matic
1000 (édition)
Édition papier
44 pages | Imprimé à 200 exemplaires
Dépot légal : mai 2022
Édition réalisée avec le soutien du Conseil Départemental de Loire-Atlantique dans le cadre du dispositif “Parcours création - Arts plastiques” de Lolab, et avec le concours des éditions “Paris-Brest”
Fruit d'un travail collectif incluant deux textes critiques croisés de Eva Prouteau (historienne de l'art) et de Bastien Masse (ingénieur projet chaire UNESCO REL IA), ce carnet de résidence retrace et documente les principales étapes du processus de création de ”1000”.
Édition 1000 (7,9Mo)
Déballage
Performance & Installation
Dimensions modulables
1000 sachets zip, 4m2 moquette noire
Résidence de recherche et d'écriture en milieu scolaire
Les Arts à la Pointe / Collège Henri Le Moal
Plozévet (29) | Avril 2019
Ce temps de recherche et d'écriture fut l'occasion d'une première immersion prolongée dans la relecture et l'analyse de la mémoire de l'atelier nomade Geocyclab, avec pour évènement central le déballage, la vérification, et la numérotation systématique de la collection des 1000 objets.
Cette performance d'exploration, de dissection et de réanimation, menée en discussion avec les élèves et enseignants de l'établissement, a été documentée sous forme de captation vidéo par Erwann Babin (artiste vidéaste).
Parallèlement, il s'est emparé des centaines de plans vidéo tournés pendant notre périple, engageant au fil des heures de visionnage l'écriture d'un synopsis pour la réalisation d'un film autour Geocyclab. L'exposition présente les traces et les résultats de cette première étape, mettant en scène nos 1000 objets classés, habités par les images et sons du voyage, à la sortie de l'atelier-laboratoire qui abrita le cérémonial de leur déballage.
Œuvres à venir
Titres provisoires
Rémanence (Sculpture) - Clé de voûte de l'atelier et support physique de conservation de sa mémoire, le disque dur du voyage, minutieusement désassemblé, s'offre au regard dans une sculpture “en éclaté”, condamnant à jamais la lecture des données qu'il contient.
Almanach (Tirages) - Les 1000 lignes de données rédigées quotidiennement, imprimées et encadrées sur 10 formats carrés identiques, entre abstraction graphique et cartel démesuré, rendent compte du caractère protocolaire et obsessionnel de cette performance.
Pixels (Tirages) - Un peu plus de 20 000 photographies numériques, réparties en fonction de leurs thématiques sur 7 planches contact au format affiche, dévoilent le hors-champ visuel des autres œuvres exposées.
Résidus (Sculpture) - Nous avons pris soin de conserver la quasi intégralité des chutes de matériaux utilisés pour la construction de “1000”. Ce foisonnement de contre-formes documente à sa manière les questionnements relatifs à la production de déchets de notre atelier.
Code source (Tirages) - Les études techniques nécessaires à la réalisation de “1000” (schémas, 3D, électroniques, codes informatiques…) constituent un matériau informatif et documentaire dont nous aimerions explorer le potentiel plastique et esthétique.
Exposition / Documentation
Si l'installation “1000” nécessite encore un peu de travail de finition et de stabilisation, les “haïkus” et le film “km18905” sont aujourd'hui prêts à être exposés, et l'approche des 10 ans de notre voyage nous invite à ouvrir une réflexion sur la manière de présenter l'ensemble de nos archives, en accord avec notre hypothèse de l’obsolescence permanente des choses.
Les enjeux de ce travail d'exposition consistent à révéler la complémentarité de nos créations existantes afin d'interroger la mémoire de cet atelier, et à considérer le hors-champ, les informations manquantes, comme une zone d'imagination où l'observateur est invité à créer son propre récit.
Partant de ce postulat et en cohérence avec notre réflexion sur l'esthétique de la documentation, nous souhaitons offrir une visibilité aux archives restantes (écrits, images, objets, datas…) pour compléter et articuler la lecture de cette méta-collection. Chaque épisode de la restitution occasionnera ainsi l'émergence d'une nouvelle “œuvre/document”, multipliant graduellement les points d'intersections de cette mémoire en expansion, et augmentant à l'infini le potentiel fictionnel pour le spectateur.
Nous envisageons chacune de ces périodes de création à la manière d'un bivouac sur le lieu d'exposition, en présence des œuvres et du public. Ces temps forts, faisant écho à notre atelier mobile en prise directe avec le monde, pourraient ainsi faire l'objet de différentes rencontres et médiations.
Si ces œuvres, existantes et à venir, ont vocation à dialoguer dans un même lieu équipé de plusieurs espaces, elles pourraient aussi être présentées à l'échelle d'un territoire dans le cadre d'une collaboration entre plusieurs structures (galeries, centres d'art, cinémas…).